Principes de base pour la mise en œuvre des droits subjectifs

La LHand, les lois et ordonnances cantonales règlent le droit, invocable en justice, à la suppression des obstacles architecturaux. Il s’agit d’un droit subjectif qui est juridiquement protégé. Les personnes en situation de handicap, ainsi que les organisations représentant les personnes handicapées, peuvent exiger qu’une inégalité dans l’accès à un bâtiment ou installation – entrant dans le champ d’application de la LHand, respectivement du droit cantonal – soit évitée ou supprimée.

La manière de faire valoir ces prétentions juridiques est avant tout définie dans les règles de procédure prévues par les cantons, la LHand ne fixant que le cadre général.

1.   Procédure

Toute personne qui subit une inégalité dans l’accès à une construction, à une installation ou à un logement au sens de l’art. 2 al. 3 LHand peut faire valoir ses prétentions juridiques de deux façons (art. 7 al. 1 LHand). Prioritairement, cette personne peut, durant la procédure d’autorisation de construire, demander à l’autorité compétente qu’on s’abstienne de l’inégalité. Il existe en outre la possibilité, une fois la procédure d’autorisation de construire terminée, de demander exceptionnellement aux tribunaux civils l’élimination de l’inégalité.

Selon l’art. 10 al. 1 LHand, ces procédures sont gratuites. Des frais de procédure peuvent toutefois être mis à charge d’une partie qui agit de manière téméraire ou fait preuve de légèreté (art. 10 al. 2 LHand).

a)   Cas général: exercice des droits durant la procédure d’autorisation de construire

L’autorité compétente est responsable du fait que les dispositions légales en matière de construction sans obstacles soient respectées. Elle doit fixer les exigences nécessaires à ce propos lors de l’attribution du permis de construire. Les personnes en situation de handicap peuvent faire valoir leurs prétentions juridiques dans le cadre de la procédure de mise à l’enquête et exiger des autorités compétentes que l’inégalité soit supprimée (art. 7 al. 1 let. a LHand).

Les cantons ne prévoient pas de dispositions procédurales spécifiques pour la mise en œuvre du droit subjectif à des constructions sans obstacles. Par conséquent, les règles générales et délais de procédure en vigueur dans les cantons pour former une opposition, respectivement déposer un recours doivent être respectés. Ainsi, une personne en situation de handicap qui voudrait faire valoir ses droits doit agir de la même manière que le ferait tout tiers intéressé (voisin).

La plupart des cantons prévoient une procédure dite d’opposition. Cela signifie qu’une opposition peut être formée pendant un délai en général de 30 jours après le dépôt de la demande de permis de construire. Dans certains cantons, ce délai peut être de seulement 20 jours, voire de 10 jours, à partir de la publication dans l’organe officiel du canton. Les oppositions doivent être communiquées par écrit et dûment motivées. La participation à une procédure d’opposition est en général une condition sine qua non pour pouvoir ensuite participer à la procédure de recours. Si le canton ne prévoit pas de procédure de recours, il faut prendre en compte les exigences spécifiques propres à ce canton: dans le canton de Zurich par exemple, les personnes qui veulent avoir la possibilité de déposer un recours doivent demander, par écrit et dans les 20 jours dès la publication officielle par les autorités locales, la notification des décisions relevant du droit de la construction, faute de quoi elles perdent leur droit de recours.

b)   Exception: dépôt d’une demande dans le cadre d’une procédure civile

Les droits subjectifs peuvent être exceptionnellement exercés après l’issue de la procédure d’autorisation de construire, si l’absence des mesures légalement requises ne pouvait être constatée lors de la procédure d’autorisation de construire (art. 7 al. 1 let. b LHand). C’est le cas si les défauts ne pouvaient pas être constatés lors de la procédure d’autorisation de construire ou si une adaptation nécessaire n’était pas apparue comme pertinente pendant la procédure d’autorisation, parce qu’elle ne semblait alors pas devoir être soumise à autorisation du point de vue du droit de la construction. Une exception devrait aussi être admise si la personne handicapée n’était pas en position de former opposition au moment de la demande de permis de construire, par exemple parce qu’elle n’habitait pas l’immeuble au moment de sa rénovation ou qu’elle ne savait pas qu’elle serait susceptible d’utiliser l’immeu-ble en question dans le cas d’une construction nouvelle. La demande selon l’art. 7 al. 1 let. b LHand est en fait une action condamnatoire au sens l’article 84 CPC. Dans la pratique, la procédure devant les instances de la juridiction civile est peu utilisée.

Si la construction ne répond pas aux dispositions du permis de construire, l’autorité compétente est tenue d’office de faire régulariser après coup la situation non conforme au droit; pour ce faire, une demande en matière civile n’est pas nécessaire. Si une procédure d’autorisation de construire n’a pas été jugée nécessaire pour un projet de construction, celui-ci doit être mis à l’enquête a posteriori; dans ce cas aussi, une demande en matière civile n’est pas nécessaire. Si l’autorité compétente refuse de modifier la situation non conforme au droit ou d’exiger une procédure d’autorisation de construire, il est possible de déposer un recours pour retard injustifié ou pour déni de justice.

2.   Droit de recours / Légitimation

Selon l’art. 7 al. 1 LHand et l’art. 9 LHand, le droit de recours est ouvert aussi bien aux particuliers concernés qu’aux organisations représentant les personnes handicapées ayant qualité pour recourir.

a)   Droit de recours pour les particuliers concernés

L’art. 7 al. 1 let. a LHand accorde aux personnes en situation de handicap la qualité de partie lors de la procédure d’autorisation de construire cantonale. Pour en bénéficier, il faut qu’il y ait une inégalité dans l’accès à un bâtiment ou à une installation au sens de l’art. 2 al. 3 LHand. L’attribution de la «qualité de partie» dépend du type de handicap : si, par exemple, des personnes malvoyantes sont discriminées, elles peuvent d’office prendre part à la procédure. Pour que la qualité pour recourir soit reconnue, il est nécessaire d’avoir un lien particulièrement étroit et spécial avec l’objet du litige. Est considérée comme concernée la personne qui, en raison de son handicap spécifique, est discriminée par rapport à l’accès à la construction ou à l’installation en question. Si cette condition est remplie, un voisinage immédiat avec l’objet considéré n’est pas nécessairement requis. Une personne en situation de handicap ne doit donc pas nécessairement habiter dans le voisinage immédiat du projet de construction. Elle est donc aussi légitimée pour agir si, par exemple, le seul cinéma du quartier est difficile d’accès pour elle, même si celui-ci ne se trouve pas à proximité immédiate de son habitation.

b)   Droit de recours pour les organisations représentant les personnes handicapées

La LHand prévoit un droit de recours pour les organisations représentant les handicapés: elles doivent cependant stipuler explicitement dans leurs statuts qu’elles se consacrent à la défense des intérêts des personnes handicapées. Ces organisations ont qualité pour agir ou recourir en leur propre nom contre une inégalité qui touche des personnes en situation de handicap (art. 9 al. 1 LHand). Ce droit de recours s’apparente au droit de recours des associations dans le domaine de la protection de l’environnement et du paysage. Dans l’annexe 1 à l’OHand, le Conseil fédéral a précisé quelles organisations sont qualifiées pour agir ou pour recourir. Dans cette liste se trouvent actuellement quatorze organisations reconnues, dont la Fondation en faveur d’un environnement construit adapté aux handicapés. Certains cantons étendent ce droit d’agir ou de recourir à d’autres organisations, par exemple les cantons de Bâle, Berne, Lucerne et Jura.

Dans la pratique, le droit de recours des organisations représentant les personnes en situation de handicap joue un rôle plus important que celui des particuliers. Cela est dû au fait que les personnes privées s’adressent la plupart du temps à ces organisations spécialisées si elles constatent un défaut dans un projet de construction.

3.   Information / droit de consulter le dossier

a)   Informations destinées au public par rapport à un projet de construction

Lors de la procédure d’autorisation de construire, l’exercice du droit d’opposition, respectivement du droit de recours, présuppose la connaissance de la demande de permis de construire. La LHand ne contient aucune disposition explicite sur la manière de rendre public les demandes d’autorisation de construire. Il faut en conséquence prendre en compte les règles en vigueur dans les cantons pour officialiser les demandes de projets de construction (en général par l’installation de gabarits et par la publication de la demande de permis dans la feuille d’avis officielle du canton).

Les droits subjectifs décrits dans la LHand peuvent entraîner pour le projet considéré un élargissement de l’obligation de publication, par exemple lorsqu’un projet d’importance secondaire est examiné dans le cadre d’une procédure simplifiée, mais qu’il contient des éléments de construction devant être conformes à la construction sans obstacles (modifications intérieures). S’il tombe sous le champ d’application de la LHand, ce type de projet ne peut pas faire l’objet d’une procédure simplifiée d’autorisation de construire.

b)   Droit de consulter le dossier

Les droits subjectifs contenus dans la LHand conduisent à un élargissement du droit d’accès au dossier. Pour les projets de construction tombant dans le champ d’application de la LHand, le droit d’accès au dossier n’est pas seulement réservé aux voisins directs, mais doit être étendu aux particuliers en situation de handicap et aux organisations représentant les handicapés ayant qualité pour recourir.

 

24.5.2017/ Nadja Herz,
avocate spécialisée SAV en droit de la construction et de l’immobilier, Zurich

Situation au 25 juillet 2019